Quand la connaissance est vue comme du mépris…

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Comme beaucoup de monde je discute, j’écoute et j’apprends.

J’essaie de m’intéresser à des choses et d’autres, trouver des sujets de conversations intéressants et dans certains cas, argumenter quand le sujet le demande.

Sauf que…

Il m’arrive qu’on me traite de « Monsieur je ramène ma science » et donc de me coller l’étiquette d’une personne hautaine parce que je sais.

À quel moment peut-on dire d’une personne qui a des connaissances, c’est-à-dire qui sait des choses parce qu’elle s’y est intéressée et a passé du temps à « étudier » (dans le sens de se renseigner, la science n’est pas infuse hein) sur des sujets, qu’elle est méprisante dans le fait de ne raconter que des faits ?
N’a-t-on plus le droit de contester une personne quand elle raconte de la merde ? Doit-on simplement dire « oui » pour lui faire plaisir et lui montrer que son manque de connaissance est un atout ?

Est-ce parce que les gens en face se sentent rabaissés par un effet miroir de leur manque de connaissance qui les insupporte ?

Ne pas savoir, ne pas maîtriser un sujet, n’est pas un crime et n’est pas non plus insultant ni honteux.

Ce qui est honteux en revanche, c’est le rejet d’une forme d’apprentissage par la discussion, car on apprend également avec des personnes qui ont des connaissances.

Tout le monde apprend de manière continue. La seule manière d’apprendre plus vite c’est de se pencher sur des questions et de potasser, d’étudier de manière intensive… Moi j’appelle ça l’enseignement (même s’il existe évidemment d’autres manières d’enseigner).

Les étudiants ne restent pas assis pendant 20 ans ou plus assis sur une chaise à attendre que le temps passe et passer un examen, mais ils apprennent.

20 ans à apprendre c’est considérable et c’est un temps de 6 à 8h par jour !

Je vois pas grand monde se dire « et si j’allais dans une bibliothèque lire des livres toute la journée ».

Je sais que maintenant j’apprends beaucoup moins vite et en moindre quantité car j’ai moins de temps pour apprendre, mais je profite du temps que je peux dégager pour cette activité à apprendre le mieux possible.

Un enseignant scolaire enseigne.
Il y a quelques centaines d’années, la transmission du savoir n’était faite qu’à l’oral, puis par l’échange et les livres.
Maintenant internet (depuis seulement une dizaine d’années) peut aider (ou pas, selon les sources consultées).

Traiter une personne qui a quelques connaissances dans des domaines (mais pas dans d’autres, on ne peut pas tout savoir) est pour moi un aberration…

Apprendre ça ne s’est jamais fait en un claquement de doigt et c’est pour ça qu’il faut être tolérant sur la connaissance, chacun est libre d’apprendre ou non, tout le monde n’apprend pas au même rythme et personne n’a les mêmes centres d’intérêts que son voisin.

La connaissance, c’est de la culture, ce n’est pas de l’intelligence, mais ça aide à réfléchir. Ce sont bien souvent des données, des faits, qui permettent d’argumenter, ce n’est pas une croyance ou une conviction et c’est souvent ce qui pose problème lors d’échanges. On peut être persuadé de quelque chose à tort ou à raison, mais justement, ce sont les arguments qui consolident cette idée qui permettent de savoir réellement si notre conviction est vraie.

Mais faire une apologie de la bêtise au nom de l’ignorantisme et de l’obscurantisme par facilité d’esprit, plutôt que de faire l’effort de surmonter son égo en osant (se) dire « je ne sais pas » au lieu de dénigrer la culture sous toutes ses formes, reste pour moi quelque chose que je ne tolère pas.

De toute manière, depuis que le terme « intello » est devenu une insulte, je pense que c’était déjà le début de la fin.

6 avis sur l'article “Quand la connaissance est vue comme du mépris…”

  1. Toniozzz dit :

    Tout à fait d’accord avec cette analyse. Je ressens la même chose. Après avoir été confronté à ce type de remarques, soit on se retire dans sa tour d’ivoire soit on essaye tout de même d’argumenter. La difficulté est qu’aujourd’hui le fait de savoir (et comme vous le dites bien, cela reste parcellaire) est assimilé à une position d’expert dont les intentions sont toujours assimilées à une tentative de créer un rapport de pouvoir ou de domination. On me retourne souvent l’echec ou les manipulations supposées de gens qui « savent » (l’actualité brulante de la pandémie actuelle et du principe de la vaccination en sont des exemples) quand je cherche à défendre un position raisonnable ou étayée par des lectures. Je ne sais plus comment discuter en évitant de braquer certain(e)s de mes ami(e)s, même avec une approche « diplomatique » (éviter les arguments d’autorité du style « franchement tu comprends rien, t’es con ou conne ! »).
    Après je suis revenu de l’idée d’Internet comme source d’acquisition de savoirs. Il y a des ressources en quantité astronomique (livres, archives, blogs,…) mais très peu utilisées finalement par manque de méthode (acquise par l’éducation, ce que vous pointez). Que l’on ne sache pas tout, c’est vrai et c’est même ça qui est plaisant (il y a toujours une occasion d’apprendre, d’être étonné ou … d’être contredit !) mais dénigrer une démarche intellectuelle qui donne l’envie de partager ou de corriger certaines erreurs, c’est le plus court chemin vers des systèmes d’oppression (ce que paradoxalement les mêmes qui vous méprisent combattent haut et fort)

    • Lokoyote dit :

      @Toniozzz :

      C’est un commentaire très intéressant.
      Une des meilleures façon de communiquer avec les gens reste au final de rester simple, user d’analogie et de métaphore pour expliquer mais surtout pointer les failles du discours par des questions sans imposer, il faut amener la réponse en retournant les questions également.
      Par exemple, un collègue me parlait des températures extrêmes ces derniers jours dans certains pays et m’a sorti « Quand on sait que Nostradamus l’avait prédit ! », je lui ai simplement répondu s’il avait lu ce que Nostradamus avait écrit, il m’a répondu que non, je lui ai donc dit qu’il devrait alors lire ces fameuses prédictions avant d’avancer ce genre de propos, c’est tout.
      Pour Internet, il y a l’éducation qui fait qu’on a le « réflexe » à chercher mais également le fait qu’Internet est un monstre de ressource et qu’il est assez difficile d’accéder à de nombreuses ressources, nombre de fois où je n’arrive pas à trouver des choses simplement par manque d’un seul mot…
      Mais je reste globalement d’accord avec vous et il est appréciable d’avoir ce genre de retour ! Constructif qui plus est !

  2. Matronix dit :

    Je suis bien d’accord avec toi !

    Les enfants sont tous contents d’apprendre des choses, puis arrive le collège/lycée, où un rapport de force imaginaire se crée entre les intellos et les autres. Les moins intellos ayant peur des intellos, se sentant moins intelligents ou rabaissés, ressentent le besoin de faire ce qu’ils savent faire le mieux, et s’en prennent aux intellos. Et la majorité du reste prend donc la décision de se faire oublier, et donc de ne pas suivre les intellos. Il s’agit d’une théorie sortie de mes chaussettes.

    Mais du coup cela installe un climat durable, où la connaissance est mal vue ou ignorée. Dans le monde adulte, beaucoup d’entreprises font leur argent en vendant des services où tout est réfléchi à la place de l’usager. Le monde capitaliste ne fonctionnerait pas, ou bien moins, je pense, si tout le monde prenait le temps d’apprendre.

    De manière plus concrète, j’ai remarqué aussi que les gens de manière générale ont toujours un avis sur tout. Personnellement, quand je ne sais pas, je me tais. Mais quand je sais, je parle. Résultat, je donne l’impression d’avoir toujours raison, d’être monsieur je-sais-tout ou qui étale sa science, comme tu le dis si bien. Sauf que non, c’est juste que je parle uniquement quand je sais, je ne sais pas tout et loin de là, et heureusement j’ai envie de dire.

    J’ai remarqué également que plus le temps passe, plus les années passent, plus il est compliqué de faire changer d’avis quelqu’un, comme si changer d’avis était un aveu de faiblesse, alors que pas du tout, au final. Les gens se bagarrent sur qui a raison, au lieu de dépenser leur énergie pour des meilleurs motifs, lutter contre une entreprise, un gouvernement, la lutte au nom de l’écologie ou ce genre de choses. Et les gouvernements l’ont bien compris, diviser pour mieux régner.

    « Comme beaucoup de monde je discute, j’écoute et j’apprends. »
    Justement non, y’a peu de gens qui veulent discuter, écouter et apprendre.

    En tout cas ça fait longtemps que je coupe court aux gens qui m’insultent (appelons un chat un chat), à me traiter de personne hautaine ou autre, si ce que je dis ne t’intéresse pas, et bien arrêtons de parler, je n’ai pas d’énergie à dépenser pour ce genre de personnes. Je me concentre sur les gens positifs qui me le rendent bien, et je laisse les gens négatifs entre eux.

    Mais vraiment je ne comprends pas d’où vient ce gap, car absolument tous les enfants de primaire sont contents d’apprendre des choses. Je pense vraiment que cela vient du regard des autres, et que les choses changent à l’adolescence. C’est comme parler anglais : les enfants ont un super accent, ils parlent trop bien et facilement anglais c’est impressionnant, pourquoi au collège/lycée et après tout s’effondre ?

    Quand quelqu’un m’apprend quelque chose, je remercie cette personne, je suis content. Pourquoi tout le monde n’est pas comme cela ?…

    • Lokoyote dit :

      @Matronix :

      Intéressant d’avoir ce retour sur les enfants, globalement on est donc bien curieux de base, mais la pression sociale met un coup de frein à cet élan.

      Comme tu pointes, des entreprises se font de l’argent avec des services où tout est réfléchi à la place de l’utilisateur, c’est un confort pour l’utilisateur qui n’est pas obligé de devoir à tout prix passer du temps à apprendre un outil, mais ça montre aussi une sorte de pouvoir où l’utilisateur est dirigé et ne peut faire que ce dont on lui permet de faire non ?

      La mode des gens qui ont réponse à tout ça a été bien montré du doigt pendant la première vague de Covid où les gens étaient tous immunologue et politicien si on les écoutait ! Le mot en question c’est l’ultracrépidarianisme (c’est classe à poser au scrabble !)
      Mais je te rejoins, il faut savoir dire qu’on ne sait pas, c’est important et ça montre une forme de réflexion sur ses propres limites de connaissance, des pistes justement à explorer.

      J’ignore si c’est un aveu de faiblesse, mais je pense qu’avec le temps nos connaissances et nos croyances s’ancrent au plus profond de nous et qu’au bout d’un moment elles se transforment en conviction qu’il est du coup beaucoup plus difficile d’ébranler une conviction qu’une connaissance qui peut changer. Mais ça reste une théorie personnelle.
      Le mieux dans cette situation c’est de raisonner en « curseurs », savoir que nos connaissances ne sont pas dogmatiques et qu’elles peuvent changer.

      Je te rejoins malheureusement sur ce point, il est usant de vouloir discuter avec des gens fermés… Et il est clairement plus satisfaisant de discuter avec d’autres personnes ouvertes, sans tomber dans le piège de la « bulle » où on se complaît avec des gens qui vont toujours dans le même sens que nous.

      C’est une bonne question pour l’accent, en France en tous cas c’est parce qu’on ne pratique pas assez et qu’au bout d’un moment on doit plus être assez souple physiologiquement parlant pour rattraper et être de nouveau malléable ? Et comme on est assez nul en anglais, on va pas pratiquer pour ne pas avoir l’air ridicule et c’est le cercle vicieux…

  3. V0r4c3 dit :

    J’ai déjà eu a constater plusieurs fois des moqueries (pas d’insulte, de mémoire) lorsque moi ou un tiers amenions un discours réfléchi. Il y a une sorte de complaisance dans la médiocrité qui est assez dérangeante. Mais je pense qu’il faudrait avoir des avis de psychologues sur le sujet. M’es avis que ce genre de réaction pourrait venir justement d’une sensation d’infériorité vis à vis de l’autre, et donc la peur qu’il prenne un ascendant psychologique ? Il peut peut-être y avoir également une cause sociale ?

    De mon côté, j’essaie en général de rapidement cerner si les personnes en face sont réceptives à un « échange de connaissances ».
    Et parfois, j’évite justement de débattre car je vois que c’est une perte d’énergie.

    Par contre, je m’amuse souvent à venir jouer les ignorants avec juste des « pourquoi? » et des « comment ? »
    Souvent les gens viennent mélanger opinion et savoir, ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose, mais qui peut apporter de nombreux biais?

    • Lokoyote dit :

      @V0r4c3 :

      En effet, un avis de psychologue serait bienvenue pour croiser les avis. Je reste persuadé qu’une cause sociale est en jeu mais si je ne peux le vérifier.

      Je te rejoins, c’est assez évident qu’on ne peut pas échanger de tout avec n’importe qui. Il y a également la manière dont les connaissances sont amenés évidemment, si le but est simplement d’étayer ses connaissances pour montrer sa « supériorité intellectuelle ».

      Jouer les ignorants n’est pas mauvais en soi car il permet également de gratter la couche de connaissance de la personne en face et lui permettre de se confronter à ses propres connaissances je pense.

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